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La Première Chambre Civile de la Cour de cassation a rappelé dans deux arrêts du 11 avril 2018 et du 19 septembre 2018 que l’adultère de l’un des conjoints n’entraîne pas systématiquement le prononcé du divorce pour faute !

Dans les deux espèces, le mari a été infidèle et l’épouse a sollicité que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l’époux.

Les faits de l’espèce de l’arrêt du 11 avril 2019 :

Après 40 ans de vie commune, l’époux quitte le domicile conjugal pour s’installer avec sa maitresse, au mois de septembre 2012.

Son épouse, désemparée, lui fait délivrer par exploit d’huissier, une sommation de réintégrer le domicile.

L’épouse s’installe au début de l’année 2013 avec un autre homme.

Le 10 mars 2016, le Juge aux Affaires Familiales près du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux  prononce le divorce des époux aux torts exclusifs de l’époux.

Le Juge aux Affaires Familiales fait une application stricte de l’article 242 du Code civil qui dispose que « des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune »

En d’autres termes, la faute invoquée doit être à l’origine de la rupture du mariage.

L’adultère de l’époux et son refus de réintégrer le domicile conjugal sont bien les raisons qui ont rendues intolérables le maintien de la vie commune.


Un appel est interjeté.

L’époux sollicite la réformation du jugement entrepris et que le divorce soit prononcé aux torts partagés des époux aux motifs que :

            – L’épouse aurait également « commis un adultère » et ce, dès le mois d’octobre 2012,

            – Elle s’est inscrite sur des sites de rencontres où elle s’est présentée comme « célibataire, et voulant sauter dans une flaque d’eau avec un homme de plus de 56 ans ».

            – Dès le mois de janvier 2013, elle s’installait avec son nouveau concubin

La Cour d’Appel de Bordeaux dans un arrêt du 28 février 2017 a réformé le jugement en ce qu’il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux.

En effet, statuant à nouveau, la Cour d’Appel prononce le divorce aux torts partagés aux motifs que l’épouse a également commis un adultère constitutif d’une faute au sens de l’article 242 du Code civil :

L’épouse «[…] ne peut dès lors sérieusement soutenir qu’elle a été totalement dévastée par la découverte de l’adultère de l’époux […] alors que, visiblement soulagée par le refus de ce dernier de réintégrer le domicile conjugal, elle s’est précipitée dans la recherche d’une nouvelle relation sentimentale […]». 

« […] que la réconciliation des époux intervenue depuis cette première relation adultère empêche au demeurant l’épouse de l’invoquer comme cause de divorce ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux, l’adultère de l’épouse constituant comme celui de l’époux, une faute au sens de l’article 242 du code civil dès lors qu’il est intervenu très rapidement après la séparation de fait du couple au mépris de l’obligation maintenue de fidélité justifiant le prononcé du divorce aux torts partagés des époux ; que la cour infirmera de même le jugement déféré en ce qu’il a accordé des dommages-intérêts à l’épouse sur le fondement de l’article 1382 du code civil, aucune preuve n’étant rapportée d’un préjudice moral au vue de l’attitude adoptée par l’épouse dès le départ de l’époux du domicile conjugal et de sa stratégie procédurale de sa sommation de réintégrer le domicile conjugal, et ce même si l’appelante produit un certificat médical particulièrement laconique et ne faisant état d’aucune traitement du Docteur C… en date du 23 septembre 2013 relevant que « Mme Y… va bien actuellement sur le plan médical après un épisode anxio-dépressif sévère[…] ». 

L’épouse se pourvoit en cassation.

Dans son arrêt du 11 avril 2018, la Cour de cassation rejette le moyen en invoquant que la Cour d’Appel a souverainement estimé l’existence de torts partagés, à la charge de l’un et l’autre époux, justifiant ainsi légalement sa décision .

Il faut en déduire de cette espèce que tant que le divorce n’est pas prononcé, chacun peut opposer à l’autre une nouvelle faute.

La rupture du lien conjugal n’a lieu que le jour où le jugement qui prononce le divorce est devenu irrévocable, parce que non susceptible d’appel ni de pourvoi en cassation, ou, lorsqu’il y a eu pourvoi, quand celui-ci a été rejeté.

Arrêt Cour de cassation, 1ère Chambre Civile, arrêt du 11 avril 2018, n° : 17-17575

Les faits de l’espèce de l’arrêt du 19 septembre 2018 :

L’épouse demande à ce que son divorce soit prononcé aux torts exclusifs de son mari en raison de ses nombreuses relations extra-conjugales durant leur union.

L’époux sollicite, à titre reconventionnel, que le divorce soit prononcé à leurs torts partagés, reprochant à son épouse son harcèlement moral l’ayant contraint à consulter de nombreux thérapeutes.

Il lui reproche également une relation extra-conjugale avec son professeur de danse, juste avant leur séparation.

L’épouse explique que si elle a adopté un comportement injurieux et a été infidèle, c’est en réaction aux nombreuses incartades de son époux.

Dès lors, le seul et unique fautif est l’époux et le divorce devrait être prononcé à ses torts exclusifs.

Les Juges du fond ont suivi l’époux et ont prononcé successivement le divorce aux torts partagés : l’époux pour avoir trompé son épouse et l’épouse pour avoir trompé et avoir eu un comportement injurieux avec son mari.

Dans son arrêt du 19 septembre 2018, la Cour de Cassation rejette le moyen en précisant que « la cour d’appel a souverainement estimé, sans dénaturation des conclusions de Mme X…, que cette dernière avait adopté envers son mari un comportement injurieux de sorte que ces faits constituaient une violation grave des devoirs et obligations du mariage »

Par conséquent, le fait que l’épouse n’est pas sollicitée dès le premier manquement de son époux, le divorce et de s’être « vengée » en entretenant elle-même une relation extra-conjugale et en se montrant invivable avec son époux, sont les raisons pour lesquelles le divorce n’a pas été prononcé aux torts exclusifs de l’époux infidèle !

Arrêt Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, en date du 19 avril 2018, n° 17-24735